Harcèlement sexuel & sexisme dans l’ESR

 

 

Qu’est-ce que le harcèlement sexuel ?

Le harcèlement sexuel correspond par l’une de ces deux définitions :

Tout comportement (propos, gestes, écrits…) à connotation sexuelle imposé à une personne de manière répétée (au moins deux fois) et qui soit porte atteinte à la dignité de la personne, soit crée une situation intimidante, hostile ou offensante. Le refus de la personne n’a pas à être explicite.

Le fait de faire pression (en échange d’un poste, d’une opportunité professionnelle, d’un contrat, du maintien d’avantages ou de l’absence de sanctions) sur une personne dans le but réel ou supposé d’obtenir des actes sexuels.

Le harcèlement sexuel est un délit, mais aussi une faute grave en milieu professionnel, qui doit faire l’objet d’une procédure disciplinaire. L’ouverture d’une procédure disciplinaire ne peut pas être conditionnée au dépôt d’une plainte pénale.

Quelques exemples de faits constitutifs du harcèlement sexuel, dès lors qu’ils sont répétés : plaisanteries obscènes ou sexistes, commentaires sur le physique, le comportement ou la tenue vestimentaire, avances à connotation sexuelle répétées, questions intrusives adressées à la victime sur sa vie sexuelle, « confidences » de l’auteur sur sa propre vie sexuelle, gestes ou regards à connotation sexuelle, sifflements, images pornographiques imposées (laissées en évidence ou envoyées par message), proximité physique intrusive, même sans contact, etc.

Qu’est-ce qu’un agissement sexiste ?

Un agissement sexiste est défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Contrairement au harcèlement sexuel, les agissements sexistes ne constituent pas un délit mais des faits interdits par le Code du travail. Dans le cadre de l’ESR, la question de l’application de cet article à des comportements d’un⋅e enseignant⋅e ou personne employée par l’établissement face à des étudiant⋅es n’est pas très claire. En ce qui concerne les ENS, les élèves normalien⋅nes peuvent de manière certaine convoquer cette disposition en cas de comportements sexistes. Les faits n’ont cependant pas à être dirigés contre une personne en particulier.

La plupart des faits qui, lorsqu’ils sont répétés, sont constitutifs du harcèlement sexuel, vont relever des agissements sexistes s’il n’y a pas répétition.

D’autres faits qui ne sont pas toujours connotés sexuellement vont entrer dans cette définition : remarques et blagues sexistes ; incivilités, marques de mépris, interpellations familières dirigées contre les personnes à raison de leur sexe ; formes de séduction non souhaitées ; réflexions non désirées sur la grossesse et la situation de famille ; réflexions malveillantes, humiliantes ou faussement bienveillantes liées au sexe de la personne, sur l’apparence physique ou les aptitudes ; emails, messages et affichages sexistes, etc.

Remarque : les propos ou comportements homophobes et/ou transphobes nous semblent susceptibles de correspondre à la définition de l’agissement sexiste, bien que les documents officiels ne les mentionnent pas.

Plusieurs autres catégories peuvent intervenir dans des situations qui incluent du harcèlement sexuel et/ou des agissements sexistes : le harcèlement moral, la discrimination (pour le secteur public, il est possible de saisir le tribunal administratif), l’exhibition sexuelle, l’agression sexuelle et le viol (voir nos ressources sur les violences sexuelles).

Quelles sont les obligations d’un établissement en cas de harcèlement sexuel ou d’agissement sexiste ?

Dans une université ou un établissement de l’Enseignement Supérieur, seul⋅e le⋅la président⋅e ou le⋅la directeur⋅rice d’établissement a le pouvoir d’ouvrir une procédure disciplinaire. Face à des « faits paraissant suffisamment avérés » de harcèlement sexuel (et a fortiori d’agressions sexuelles), iel a l’obligation de saisir les instances disciplinaires.

Dans le cas d’agissements sexistes, l’établissement a l’obligation de prendre des mesures suffisantes pour faire cesser ces agissements, assurer la protection et garantir les droits des personnes qu’il emploie. Sa responsabilité est engagée. En fonction de la gravité des faits, les mesures vont du rappel à l’ordre sans ouverture d’une procédure disciplinaire à des sanctions disciplinaires allant de l’avertissement au licenciement.

En cas d’agissement sexiste ou de harcèlement sexuel, la charge de la preuve échoie exceptionnellement à l’employeur : cette obligation est rarement respectée, mais cela signifie concrètement que l’employeur ne peut pas refuser de réagir sous prétexte que vous n’arrivez pas avec des preuves suffisantes.

Quelles sont les personnes que vous pouvez contacter pour signaler des agissements sexistes, des faits de harcèlement sexuel ou être conseillé⋅e ?

– Vos élu⋅es, notamment les élu⋅es au CHSCT.

⇒ à l’ENS : les élu⋅es étudiant⋅es, les responsables syndicaux⋅les, plus largement les différent⋅es élu⋅es du personnel.

– Les référent⋅es égalité de l’établissement.

⇒ à l’ENS : vous pouvez écrire à referentes.egalite@. Les deux référent⋅es égalité F/H sont actuellement Christine Détrez et Vivien Verges, que vous pouvez également contacter directement.

– La médecine du travail ou la médecine préventive universitaire.

– Le registre CHSCT : vous pouvez signaler des faits inquiétants, susceptibles de menacer l’environnement de travail et la sécurité des personnels, dans le registre CHSCT, qui constitue un document officiel.

⇒ à l’ENS, ce registre est disponible sur demande à l’accueil dans le forum Félix Pécaut.

– Les associations présentes dans l’établissement.

⇒ Vous pouvez écrire aux Salopettes (la veille est assurée par Mathilde Gall), à l’un⋅e des membres du bureau ou à toute personne que vous connaissez dans notre association.

– Les associations nationales, qui pourront vous écouter et vous conseiller : le CLASCHES dans le cas de l’ESR, l’AVFT pour toutes les situations.

Le⋅la président⋅e d’université ou le⋅la directeur⋅rice d’établissement : dans la mesure où il s’agit de la seule personne à pouvoir prendre une décision relative à la saisine des instances disciplinaires, il est légitime de le⋅la contacter directement. Passer par un⋅e intermédiaire bien informé⋅e sur la question du sexisme et du harcèlement sexuel peut cependant vous permettre de ne pas vous retrouver seul⋅e ou exposé⋅e dans un établissement, et éventuellement de conserver votre anonymat.

Vous êtes victime de harcèlement sexuel

Si vous êtes victime de harcèlement sexuel, vous pouvez vous référer au guide du CLASCHES pour des informations plus complètes.

Nous vous recommandons dans un premier temps de conserver toutes les preuves de ces agissements si elles sont écrites, et dans le cas contraire de consigner les faits, les gestes ou propos pour pouvoir en rendre compte le plus précisément possible par la suite. Rapporter ces faits à des proches, un⋅e médecin, un⋅e collègue au moment où ils ont lieu, même si vous n’envisagez pas de les rapporter officiellement, permettra également de produire leurs témoignages par la suite pour consolider le vôtre.

La décision de témoigner auprès de l’établissement, de porter plainte ou de prendre toute autre mesure susceptible de vous exposer vous appartient : personne ne doit vous reprocher de ne pas l’avoir fait, ou faire pression sur vous pour le faire.

Lutter contre le harcèlement sexuel et le sexisme dans l’ESR

Vous êtes élu⋅e, responsable de prévention, référent⋅e égalité, membre d’une association ou d’un collectif féministe.

Nous vous recommandons de lire très attentivement le vade-mecum du CLASCHES, qui comporte de nombreuses informations et suggestions concernant les actions de prévention et le traitement des faits de harcèlement. Toutes ces informations vous permettront de répondre le plus précisément possible et d’avoir sous la main les textes de loi à convoquer au cas où les personnes susceptibles de prendre des mesures réelles ne les connaissent pas.

Un⋅e ami⋅e, un⋅e collègue ou un⋅e étudiant⋅e vous rapporte des comportements sexistes ou des faits constitutifs de harcèlement sexuel.

Ecoutez cette personne et ne remettez pas en cause sa parole ; ne tentez pas de minimiser les faits, ou d’excuser un⋅e collègue.

Si la victime ou la personne qui rapporte des agissements sexistes ne dispose pas des informations juridiques nécessaires, informez-la dans la mesure de vos moyens des recours possibles pour mettre fin à la situation qu’elle décrit.

Ne faites jamais pression sur la victime pour qu’elle porte plainte ou pour qu’elle vous révèle le nom de la personne responsable des faits si elle choisit de ne pas le faire : ces choix l’exposent, entraînent des procédures éprouvantes voire des formes de sanctions (quoique illégales), auxquelles elle seule peut choisir de se confronter ou non.

Demandez à cette personne quelles informations vous pouvez relayer auprès de collègues ou de camarades, si vous pouvez la nommer et/ou nommer la personne responsable des faits ou non au cas où vous auriez connaissance de faits similaires.

Dans la mesure du possible, gardez une trace précise de cette conversation afin de pouvoir la relater précisément en cas de procédure.

Vous êtes « un peu au courant ».

Nous constatons que trop souvent, les comportements sexistes et/ou les faits de harcèlement sexuels d’une personne sont largement connus de son entourage professionnel. Dans certains cas, ils sont tout simplement encouragés ou tolérés ; dans d’autres cas, ces comportements sont évoqués pour dénigrer ou se moquer de cette personne, sans que leur gravité réelle ne soit prise en compte, au détriment du soutien aux personnes concernées et de la mobilisation collective qu’ils devraient susciter pour y mettre fin.

Si vous entendez seulement des rumeurs, que vous n’êtes pas sûr⋅e, que vous avez peur d’exagérer, cela ne veut pas dire que vous ne pouvez rien faire : vous pouvez en parler à votre responsable de département / labo / service sans forcément donner de nom (en particulier dans le cas de harcèlement sexuel si vous n’avez pas l’accord de la victime et que cela l’expose), et demander qu’un rappel général de la loi soit envoyé à l’ensemble du département / labo / service, signalant ou non l’existence de problèmes en fonction de la situation, et rappelant qu’il est possible pour les témoins ou victimes de s’adresser à telle ou telle personne qui a les compétences de recueillir officiellement des témoignages. Vous pouvez aussi coller des affiches d’information, évoquer le sujet de façon très générale pour que « le message passe ». De tels rappels n’ont pas besoin de désigner une personne en particulier pour être efficaces.

Vous n’êtes pas tout à fait sûr⋅e de n’avoir jamais agi de façon sexiste dans l’ESR ? Vous ne savez pas trop si vous draguez ou si vous harcelez ?

Si vous faites des blagues sexistes, que vous aimez bien jouer de « votre petit côté macho » « au second degré », arrêtez immédiatement : ce n’est pas parce que personne ne proteste, ou que vos collègues ou étudiantes sourient poliment que ces comportements sont acceptables. Ne faites pas de remarques sexuellement connotées à vos étudiant⋅es et/ou collègues ; ne faites pas de remarques sur leur physique, leur apparence ou leur vie sexuelle.

Ne faites jamais d’avances à vos étudiant⋅es ou doctorant⋅es, même si vous estimez que « ça va, (i)elles sont majeures » : vous avez un rapport d’autorité sur ces personnes qui n’est pas compatible avec ce type de relation.

En-dehors de ce rapport d’autorité d’enseignant⋅e à étudiant⋅e, soyez attentif⋅ve à votre position de pouvoir lorsque vous envisagez des relations amoureuses et/ou sexuelles avec des personnes de votre environnement professionnel. Si vous avez la moindre possibilité théorique de nuire à cette personne en cas de refus (parce que vous avez un statut supérieur, que vous siégez dans des commissions de recrutement, que vous organisez fréquemment les événements scientifiques de son champ de recherche, etc.), soyez extrêmement prudent⋅e pour permettre à cette personne de poser clairement et librement ses limites et exprimer un refus.

Ressources :

Le site du CLASCHES, Collectif  de Lutte Antisexiste Contre le Harcèlement Sexuel dans l’Enseignement Supérieur). Lire leur guide pour une synthèse, leur vade-mecum pour une présentation approfondie.

Le tumblr Paye ta fac permet de visibiliser l’existence du sexisme et du harcèlement sexuel dans l’Enseignement Supérieur en recensant des témoignages anonymes.

L’AVFT (Association européenne de lutte contre les violences faites aux femmes au travail) propose des ressources et un numéro d’écoute.

Le Kit pour agir contre le sexisme, du Conseil Supérieur pour l’Egalité professionnelle, approfondit la notion d’agissement sexiste et présente très clairement les outils à mettre en place pour l’employeur.

Nos conseils aux hommes universitaires : des suggestions plus larges pour contribuer à l’égalité F/H dans l’enseignement supérieur et la recherche (avec une affiche à imprimer et coller dans votre département / labo).

⇒ Affiches d’information des Salopettes, en pdf au format A3 : version ESR ; version entreprise.

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